Qu’est ce qu’un Job To Be Done
Lorsque l’on travaille à l’amélioration d’un produit ou à la construction d’un **MVP (Minimum Valuable Product) il est parfois difficile de prendre du recul et de comprendre quelles pistes seraient les plus porteuses pour nos utilisateurs. Bien souvent, des sessions de recherche exploratoire peuvent apporter des pistes et des enseignements, mais il faut être ensuite capable de transformer ces informations en opportunités actionnables pour le produit.
Plusieurs outils peuvent être intéressants pour matérialiser ces informations parmi lesquels on retrouve les personae mais aussi les Job To Be Done (simplifié en JTBD pour la suite de l’article).
En complément des personae où l’on décrit le caractère et les motivations générales d’un utilisateur représentatif d’un groupe cible, les JTBD mettent en lumière les ambitions et espérances de ce dernier de manière très précise et actionnable.
Avec les JTBD on cherche davantage à mettre l’accent sur le pourquoi et sur le comment, en espérant ainsi proposer des améliorations qui résolvent de vrais problèmes tangibles.
Popularisé en 2007 par Clayton Christensen, professeur à Harvard, il résume le concept ainsi :
When we buy a product, we essentially “hire” it to help us do a job. If it does the job well, the next time we’re confronted with the same job, we tend to hire that product again. And if it does a crummy job, we “fire” it and look for an alternative.
**Know Your Customers’ “Jobs to Be Done” par Clayton M. Christensen, Taddy Hall, Karen Dillon et David S. Duncan
Traduction : “Lorsque nous achetons un produit, nous le « louons » pour nous aider à réaliser un travail. S'il fait bien le travail, la prochaine fois que nous sommes confrontés au même travail, nous avons tendance à embaucher à nouveau ce produit. Et s'il fait un travail minable, nous le "renvoyons" et cherchons une alternative.”
On comprend alors l’intérêt de la démarche en rendant très tangibles les aspirations et motivations des utilisateurs, on s’assure d’aligner les équipes autour d’une vision commune, et de ne pas développer une fonctionnalité “à l’aveugle.”
Concrètement, pour mettre en place des JTBD, on utilise la formulation suivante en tâchant toujours de se placer dans l’état d’esprit de notre utilisateur cible :
Exemple d’usage : une application de messagerie
Pour appliquer ce framework, essayons de se projeter dans le contexte d’une application de messagerie pour comprendre la valeur que les JTBD peuvent présenter dans les phases de conception.
Essayez, vous aussi, de vous projeter et de rédiger des JTBD pour mieux appréhender la méthode et son périmètre.
Avec ces exemples, on se rend compte qu’en réfléchissant en JTBD, on va plus loin qu’une simple réflexion produit, on s’immerge dans les modes de consommation de nos utilisateurs, pour tenter de répondre de la manière la plus optimale à la tâche pour laquelle ils “embauchent” notre produit.
Si l’on essaie de transformer ces JTBD en opportunités, on peut trouver quelques propositions pertinentes :
- Ajout d’une fonctionnalité de partage de GIF intégrée in-app.
- Partage de sa position à certains contacts.
- Ajout de réponses rapides ou de réactions par emojis.
Il est beaucoup plus difficile d’arriver à de telles conclusions en ne se basant que sur un persona plus abstrait et qui donnera un aperçu moins précis des réelles motivations des utilisateurs cible.
Quand et pourquoi mettre en place cette méthode
Nous l’avons vu précédemment, faire l’effort de rédiger des Jobs To Be Done, c’est avant tout se mettre à la place de nos utilisateurs et se demander :
Qu’est-ce qu’ils cherchent à accomplir et pour quelles raisons ?
On quitte la dimension produit et on cherche avant tout à comprendre les motivations profondes. Il est donc très intéressant de réaliser cet exercice en amont de la phase de conception, pour s’accorder sur les différents JTBD et aussi tâcher de les prioriser.
Un autre bénéfice de la méthode des Jobs To Be Done, c’est de pouvoir rapidement identifier les concurrents directs à votre produit. Si l’on reprend l’exemple de notre application de messagerie, lorsque l’utilisateur cherche à partager sa position avec un proche, des concurrents peuvent émerger soit dans des produits spécialisés dans la localisation et la cartographie (Maps, Citymapper, Zenly…) ou encore de manière native avec la fonctionnalité d’iOS “partager ma position”.
Comprendre les concurrents potentiels permet aussi d’identifier leurs forces et faiblesses pour proposer une expérience encore plus adaptée et en tâchant progressivement de remplacer l’usage actuel qu’ils pourraient avoir.
Comment étendre le concept des Jobs To Be Done
Lorsque l’on commence à utiliser ce framework, on peut vite être tenté de rédiger de nombreux JTDB au risque de tomber dans certains travers. Le plus gênant est de confondre tâche et JTBD.
Une tâche est une action, une activité, par exemple : envoyer un message à un proche.
Un JTBD quant à lui, décrit la volonté et la motivation de l’utilisateur, par exemple “garder contact avec ses proches.”
Si le produit sur lequel vous travaillez dispose de plusieurs rôles qui changeront de manière drastique l’usage et donc les JTBD, alors il peut être pertinent de réaliser l’exercice de manière distincte pour ces différents segments d’utilisateurs afin de dresser la cartographie la plus complète des usages.
De même, quand la situation le permet, il peut parfois être plus simple de modifier la formulation des JTBD en remplaçant la situation par un événement.
Pour notre application de messagerie, on peut avoir envie de comprendre comment nos utilisateurs pensent et agissent lorsqu’ils font face à l’événement : recevoir un nouveau message.
Le framework des JTBD est donc une base de travail solide qui permettra de mettre en évidence de manière exhaustive les réels besoins et motivations de vos utilisateurs, mais qui doit être utilisé en bonne intelligence et adaptée si besoin aux contraintes du projet pour lequel on travaille.
Dans une optique d’intégration aux outils déjà mis en place, il est intéressant de noter que les JTDB peuvent venir compléter des personae pour proposer une vue à 360° répondant aux questions :
- Pourquoi ?
- Comment ?
- Qui ?
Ainsi, il peut être pertinent d’intégrer directement dans vos fiches de personae, leurs JTBD afin de préciser les actions et les motivations associées.